Entre fierté et clivages, le cœur des Français balance… Dans le marasme politique français, force est de reconnaître que le rapport des citoyens à l’Etat et à la nation est un véritable enjeu. Ce fut particulièrement flagrant lors du face-à-face présidentiel de 2017, où Marine Le Pen, chantre de la « souveraineté nationale », croisait le fer avec Emmanuel Macron, porteur d’une vision plus européenne. Macron, d’ailleurs, n’a pas hésité à polariser le débat au niveau continental, évoquant lors de son discours à Versailles en 2018 une Europe coupée en deux : les progressistes contre les nationalistes.
Mais alors, les Français sont-ils en perte de vitesse quant à leur attachement à la nation ? Tout porte à croire que non, et les chiffres de l’enquête Valeurs sont là pour le prouver : 92 % des sondés se disent fiers d’être Français, une fierté tenace depuis 1981, et qui gagne en intensité, avec aujourd’hui 51 % se déclarant « très fiers », contre 35 % il y a près de quatre décennies. Pour autant, la question persiste : sommes-nous (vraiment) fiers d’être Français ? Eléments de réponse !
Fierté à la française, ou quand le football rallume la flamme du nationalisme
« Il faut être fier d’être Français ». Lâchée comme ça, sans filet, cette phrase pourrait faire grincer des dents… Seulement voilà, c’est Antoine Griezmann qui monte au créneau, juste avant une finale de Coupe du Monde, et non un tribun politique, et cela change tout ! On aurait pu s’attendre à ce type de « punchline » de la part de figures comme Zemmour, mais c’est un footballeur qui s’y met. Sa déclaration, en plein climat où Macron parle d’une Europe clivée entre progressistes et nationalistes, prend des allures de pied de nez : en période de Coupe du Monde, le nationalisme est permis. Il serait même un devoir…
Car le foot, dans son univers presque parallèle, est le seul endroit où le nationalisme n’est pas seulement accepté, mais célébré comme une vertu. Si l’équipe de France a longtemps été vue comme un symbole de l’intégration réussie, les événements qui ont suivi, des émeutes de 2005 aux débats sur le voile, montrent que les victoires des Bleus ne colmatent pas les fractures sociales. Pendant ce temps, les symboles nationaux, galvaudés ailleurs, retrouvent leur noblesse sous les projecteurs du stade. Chanter la Marseillaise, brandir le drapeau, tout cela redevient un acte de fierté. Les joueurs, particulièrement ceux issus de la diversité, portent cette fierté sur leurs épaules, scrutés de toutes parts.
Et Griezmann dans tout ça ? Il choisit la légèreté, une fierté sans gravité, presque naïve. « On est bien en France, on mange bien, on a un beau pays, une belle équipe, de beaux journalistes ». Oui, on mange bien en France, notamment grâce à des structures comme le Marché de Rungis, une autre fierté nationale. C’est rafraîchissant, presque enfantin. Griezmann évite soigneusement les terrains minés de l’histoire et de la culture, optant pour une fierté simple, qui ne cherche pas à polariser. Ainsi, dans un monde où chaque mot peut être un détonateur, il choisit de célébrer des choses universelles, faciles à aimer. Il ne s’embarrasse pas de grandes déclarations sur les valeurs ou l’histoire, mais souligne ce qui unit, ce qui nous fait tous vibrer pendant les matchs. Et derrière ce discours, il y a un message plus profond : être fier, c’est aussi célébrer les petites choses qui rendent la France unique, sans forcément monter au créneau.
« Crise de fierté » : une piqûre de rappel venue d’outre-Manche
Alors que Charles III montait sur le trône dans un éclat de faste britannique, devant les yeux de 9 millions de Français rivés à leur écran, l’Angleterre vibrante de fierté nationale nous renvoyait à notre propre miroir, un peu terni ces derniers temps. Carrosse doré, uniformes éclatants, joyaux de la couronne étincelants… Tout y était, une mise en scène parfaite, rappelant le célèbre « We shall never surrender ! » de Churchill.
Et nous alors, les Français ? Coincés entre grèves et manifestations, à peine remis d’un accueil raté pour ce même roi, la jalousie pointait. Nous, pays des droits de l’homme, pris dans une valse de casserolades et d’insultes, on se sentait soudain étriqués, un peu honteux. Les chiffres tombaient aussi lourds que les couronnes britanniques : menaces en hausse de 32 % contre nos élus, une dette nationale qui explose à plus de 3 000 milliards d’euros, et Fitch qui nous retire des points comme à un mauvais élève.
Et ce n’est pas fini… Nos hôpitaux, autrefois vantés par Brigitte Macron comme les meilleurs du monde, affichaient les stigmates d’une crise profonde, entre pénurie de personnel et réintégration forcée d’infirmières réfractaires à la vaccination. L’armée, autre pilier de la fierté nationale, ne séduisait plus les jeunes recrues. Idem pour la police et l’éducation, où les postes vacants s’accumulaient. Alors oui, en regardant de l’autre côté de la Manche, ce couronnement royal avait de quoi faire rêver, ou du moins, de quoi nous faire réfléchir. Sommes-nous encore capables de ressentir cette fierté d’être français, cette flamme qui semble vaciller sous les coups de boutoir d’une réalité moins glorieuse ? La question est posée, brutale, urgente. Peut-être est-il temps de raviver notre propre feu, avant qu’il ne s’éteigne dans l’indifférence d’une nation qui doute.
Certes, à en croire les chiffres évoqués plus haut, le sentiment de fierté nationale est au beau fixe, inébranlable, jamais mis en doute. Mais est-ce une garantie, un bouclier inébranlable face au doute, à la baisse de la fierté d’être Français, pour ne pas dire la haine de son propre pays ? Rien n’est moins sûr… Cela dit, voyons le bon côté des choses : la France regorge d’atouts, de ces petites choses qui nous la font aimer, contre vents et marées, malgré les crises, les clivages, les mécontentements… malgré tout ! Pourvu que ça dure…